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12 Sep

Comment apprendre et enseigner l’ostéopathie ? 1 - L'apprentissage

Publié par francois delcourt  - Catégories :  #recherche et développement, #Ostéopathie

Pygmalion et Galatée. Anne-Louis Girodet. 1819

Pygmalion et Galatée. Anne-Louis Girodet. 1819

Ce tableau, Pygmalion et Galatée a été réalisé par Anne-Louis Girodet entre 1813 et 1819. Selon la mythologie grecque, Pygmalion, sculpteur, créa une statue tellement belle qu’il en tomba amoureux ; Aphrodite, la déesse de l’amour, changea cette statue en femme et aussitôt Pygmalion l’épousa. La leçon issue de cette mythologie est l’effet Pygmalion, appelé prophétie autoréalisatrice, qui désigne l’influence facilitatrice sur les performances d’un individu en fonction du degré de croyance en sa réussite par une autorité, un enseignant ou son environnement proche. Croire au succès d’un individu améliore les probabilités de sa réussite. En matière pédagogique, cet effet a une importance non négligeable car il met en évidence le fait que la réussite ne dépend pas uniquement des capacités cognitives de l’élève mais aussi de son environnement. Robert Rosenthal (Roenthal 1966) fit une expérience avec des élèves d’école primaire d’un milieu défavorisée (l’expérience d’Oak School) en 1966. Il fit croire à leur enseignant qu’un groupe d’élèves étaient surdoués. Les résultats furent probants ; les élèves du groupe désigné ont fortement amélioré leurs résultats scolaires alors qu’ils avaient été choisis au hasard…

Expérience d’Oak School. 1966

Expérience d’Oak School. 1966

« Tous les hommes ont un désir naturel de savoir ». Aristote. La métaphysique.

Saint augustin définissait plusieurs libido bien avant Freud : la libido sciendi ou le désir d’apprendre, la libido sentiendi ou le désir sensuel, et la libido dominandi comme le désir de domination. D’autres auteurs, tel Pavlov et Skinner ont démontré les capacités d’apprentissage de l’animal, Freud a parlé d’épistémophilie, ce désir de connaissance.

Chez le bébé (Gopnik 2010), l’apprentissage est une faculté spontanée, dès le plus jeune âge, le bébé explore avec ses yeux, ses mains et sa bouche et se lasse très vite…l’habitude l’ennuie. Vu comme un défaut de concentration, cette curiosité est un atout. Qualifié à tort d’hyperactivité, certains comportements d’enfants sont le signe qu’ils sont tout simplement vivant. Qui n’a jamais vu un garçon en âge scolaire, soit disant cancre car agité, passionné et incollable sur les dinosaures ?

Comment apprendre ? Comment éduquer et s’éduquer ? Comment enseigner ? Comment transmettre à la fois des savoirs théoriques et pratiques ? Peut-on transmettre le savoir faire et le savoir être ?

Freud disait qu’il existe trois métiers impossibles : enseigner, soigner et gouverner. Autant dire que l’ostéopathie concerne déjà deux de ces métiers impossibles. 

Les différents types d’éducation

 

Classiquement l’apprentissage se fait de façon formelle (éducation formelle) dans une institution spécialisée, comme une école d’ostéopathie par exemple, mais aussi de façon informelle (dans la pratique quotidienne). Il existe aussi des pratiques d’autoformation, par expérience personnelle, « l’autorité suprême » selon Karl Rogers.

Selon lui, apprendre par soi-même au sein de son environnement vaut mieux qu’accumuler des connaissances.

L’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde

Nelson Mandela

Savoirs et connaissances

 

Apprendre c’est acquérir des connaissances (qui dépendent de la mémoire) à partir des savoirs et les développer, c’est acquérir des habiletés (qui dépendent de la pratique) et des attitudes (qui dépendent des expériences et des influences). Les trois réunies constituent des compétences

 

Les 4 types de connaissances

Il existe 4 types de connaissances

Les connaissances factuelles, les connaissances conceptuelles, les connaissances procédurales et les connaissances métacognitives.

Dans Les connaissances factuelles nous allons retrouver des éléments terminologiques et des mots de vocabulaire reliés à un domaine particulier d'apprentissage ou de métier, mais aussi des symboles que ce soit des symboles numériques, graphiques et des faits (correspondant à des lieux ou des personnages).

Les connaissances conceptuelles, concernent les concepts, les idées et les modèles articulant ces idées.

Les connaissances procédurales représentent les algorithmes et les procédures, les routines afin d’accomplir une tâche, les ensembles de règles et démarches, la méthode pour effectuer un bilan ostéopathique par exemple.

Les connaissances métacognitives sont celles que met en place un apprenant au sujet de ses propres acquisitions, celles des autres, c’est un regard sur ses habiletés cognitives, une auto réflexivité sur ses propres capacité à adapter ses connaissances et ses savoirs appropriés à des situations diverses. 

Apprentissage

 

Les ressources ne remplacent pas les profs.

Le rôle dévolu à l’enseignant, dans une structure de type formelle, est de transmettre des informations et des savoirs qui ne sont pas nécessairement utilisables dans le quotidien. Ce sont les apprentissages explicites, les sciences fondamentales sont un exemple probant des savoirs académiques enseignés en première année de formation ostéopathique. Les élèves ont conscience que l’anatomie est importante car ils suivent les préceptes de Still : « l’anatomie et rien que l’anatomie » ; mais ils trouvent la biomécanique « barbante » et inutile (j’en sais quelque chose…). Ils y reviennent en fin de cycle pour mieux comprendre la pratique ; c’est l’alternance théorie / pratique et réussir pour comprendre et comprendre pour réussir. c'est la formule de Piaget : "agir en pensée" et "comprendre en action". 

Les hommes, de manière générale et nous l’avons évoqué pour les bébés, apprennent de façon spontanée au quotidien sans que l’on leur demande explicitement, ce sont les apprentissages implicites. C’est l’apprentissage adaptatif dans son milieu socio éducatif ou professionnel. En ostéopathie ce sont les apprentissages acquis lors des stages en cabinet libéral, on y apprend les « ficelles du métier », l’expérience vécue au travail, les processus mentaux et pratiques du praticien expérimenté. Pourquoi faire telle gestuelle à ce moment-là ? Comment optimiser mon placement pour telle thérapeutique ? Sur quoi porte l’attention du thérapeute lors de l’interrogatoire ou le bilan du sujet ? Autant dire que la notion de stage « d’observation » ne présente que peu d’intérêt s'il n’y a pas « d’explicitation des pratiques » de la part du thérapeute confirmé. C’est la verbalisation des actes professionnels implicites (Vermersch 2007) permettant d’y avoir accès et de les transmettre. 

Pour passer de l’information à la connaissance, il faut des interactions

Socrate

Evolution de l’apprentissage

 

La pédagogie de la transmission

Les prêtres et les prêtresses recevaient des dieux le savoir divin, d’un savoir oral nous sommes passés à un savoir de l’écrit depuis Homère. Homère est à l'origine du basculement de la civilisation orale à la civilisation de l'écrit. Depuis Socrate, l’enseignant était le maître, il était possesseur du savoir (transmit par les Dieux) et le transmettait oralement. Socrate prônait le langage oral et le dialogue afin de s’engager dans la pensée à la recherche de la vérité. Son rôle de guide était de premier plan face à ses élèves.

« Pour passer de l’information à la connaissance, il faut des interactions » Socrate

Avec la lecture, qui allait les guider ?

Les sophistes se déclarent d'abord éducateurs. Ils enseignent tout. A être un homme accompli, c'est-à-dire le meilleur citoyen : dans une démocratie, en effet, on ne naît pas chef, on le devient, et la vertu s'enseigne. Soit en enseignant le moyen universel de tout maîtriser, l'art de parler de tout à tous, la rhétorique, car en démocratie on n'impose rien, on persuade. Soit en enseignant tous savoirs sur toutes choses, un savoir encyclopédique, puisque être citoyen, dans une démocratie directe, c'est avoir compétence universelle dans tous les domaines.

Platon, opposé à la culture du tout rhétorique, Lutte aussi contre le tout écrit des sophistes dans son aspect néfaste pour la mémoire. Le dialogue de l’âme avec elle- même passe aussi par l'oralité, par le corps.

Ce mode de transmission des savoirs a perduré jusqu’au début du 20e siècle notamment avec les écoles Jésuites. Selon cette conception de l'apprentissage, l'élève était plutôt passif et devait se contenter de comprendre l'information qui lui était transmise et puis s'efforcer de le régurgiter de reproduire ce qu'on lui avait appris.

Ce procédé a des limites car il nécessite un même bagage cognitif, la même façon de comprendre entre les deux belligérants. C’est un dispositif statique et passif pour l’apprenant encore utilisé à ce jour dans les cours magistraux.

 

Par la suite, au début du 20e siècle, Pavlov a initié le courant béhavioriste ou l’on cherche à modeler le comportement des apprenants. C’est un modèle comportementaliste ou l’apprenant est mis en face de stimuli afin de produire une réponse comportementale particulière à laquelle le formateur donne un renforcement positif ou négatif.

Le rôle de l'enseignant est de faire le design de l'apprentissage, c'est-à-dire de découper les tâches et d’aider les élèves à traverser les différentes étapes pour qu'il y ait apprentissage. Le rôle de l'élève dans ce contexte est d'être plutôt passif d’écouter et de réagir en déduisant quels sont les comportements souhaitables dans l'environnement qu’il traverse.

Les avantages sont que ce type d’apprentissage produit des automatismes, de développer des routines et des procédures. Donc très intéressant dans les connaissances procédurales. Répéter une technique manuelle, avec un guide la renforçant et corrigeant les erreurs, c’est créer des automatismes comme le fait de conduire une voiture sans regarder les pédales et le levier de vitesse. L’inconvénient est de savoir si ces procédures sont adaptables en toutes situations, et en particulier des situations complexes. Seriez-vous capable de la même maitrise en conduite sur sol sec et sur sol gelé ?

Les limites de ce courant résident dans son incapacité à découper une compétence complexe. Lorsque l’on découpe une tache en petites taches successives, il est difficile d’avoir un regard critique sur l’ensemble.

Apprendre l’anatomie et la physiologie en « tranches » nécessite un effort cognitif de haut niveau pour rassembler toutes les notions et concepts appris afin d’avoir une vision globale d’un sujet humain. Une petite pensée à tous les thésards qui tentent de maîtriser une partie d’un sujet dans l’élaboration d’un mémoire théorique et expérimental.

Les limites du béhaviorisme résident dans le fait de ne pas s'intéresser à ce qui se passe dans la tête de l'apprenant quand il fait une erreur, parce que chez les béhavioristes l'erreur c'est une absence d'apprentissage ou un échec de l'enseignant dans le design de sa leçon. On a conservé du béhaviorisme le fait de renforcer positivement les comportements qu'on veut voir reproduire, de même que l'évaluation formative et l'évaluation sommative.

 

Les courants constructivistes, initiés par Piaget, comme son nom l’indique, sont des courants qui s'intéressent à la construction des connaissances chez les apprenants.

Le premier, le cognitivisme, ont comme objet d'étude d'essayer de comprendre comment une personne peut traiter l’information, encoder l'information dans sa mémoire à long terme et y accéder dans les moments opportuns.

Certaines sous catégories du cognitivisme ont été intéressées par le fonctionnement de l’ordinateur en comparant celui-ci au cerveau. Le processeur traite les informations et constitue une arborescence de fichiers en catégories et sous-catégories. Le computationnisme et le connexionnisme sont de ceux-ci.

Pour les cognitivistes, apprendre c’est ajouter de la nouvelle information à des informations déjà existantes dans la mémoire à long terme, ce sont les premiers à croire que les élèves, quand ils arrivent à l'école, n'ont pas la tête vide mais ont déjà un bagage de connaissances dont on doit tenir compte et auxquelles vont s'ajouter les nouvelles connaissances. Pour eux, il est impossible de traiter l'information, donc d'apprendre si on n’a pas de connaissances antérieures par rapport à un sujet quelconque.

Le rôle de l'enseignant dans ce modèle, va être d'aider à la construction des connaissances et d'aider à l'organisation des connaissances, les enseignements vont se concentrer sur la consolidation de la structure existante des connaissances chez les élèves.

Le rôle de l'élève dans le cognitivisme c’est de traiter l'information donc il est actif et d’être engagé consciemment dans le traitement de l'information.

Les forces de ce courant sont de clarifier l'organisation des connaissances et de favoriser la métacognition donc augmenter le pouvoir de l’élève sur ses propres constructions de connaissances.

La limite du cognitivisme peut être le manque de contextualisation, organiser les connaissances sans les contextualiser peut être un handicap dans les apprentissages.

On doit amener les élèves à faire des liens entre la mémoire épisodique, la mémoire sémantique et les contenus plus scolaires.

Chez les constructivistes, l'apprentissage est une construction personnelle, mettre l’apprenant dans une situation complexe afin de faire émerger un savoir-faire à partir de ses connaissances.

En ostéopathie, il est primordial dans la formation pratique clinique, de faire évoluer les apprentissages d’un courant béhavioriste dans le début de formation (pour les automatismes de tests et les gestuelles techniques) puis de basculer sur un type constructiviste et cognitiviste pour favoriser la réflexivité et la métacognition dans des situations complexes de la clinique sur patients réels.

Le rôle de l'enseignant chez les constructivistes est de faire en sorte que l'élève acquiert un certain bagage sur lequel il peut agir et, fignoler la construction de son apprentissage en l’accompagnant avec bienveillance.

L'élève dans le constructivisme doit être actif dans les situations qui lui sont soumises par l'enseignant et doit accepter de vivre des déséquilibres qui peuvent être parfois inconfortables et déstabilisants sans être obnubilé par l’échec et en acceptant de faire des erreurs.

La force du constructivisme est de travailler sur l’erreur, chez les constructivistes l’erreur est un élément intéressant qui nous permet de constater ou en est l'élève dans son développement cognitif. C’est une source d'information qui n'est pas vue comme étant quelque chose de honteux ou quelque chose qu'on doit essayer d'éviter. L’erreur va plutôt être  vue comme un bénéfice sur lequel on va pouvoir construire de nouveaux apprentissages. Ne pas aplanir les difficultés, questionner et relancer, mobiliser les connaissances, le guider dans des situations complexes (cliniques) est une arme préventive pour l’apprenant lorsqu’il sera confronté à la réalité professionnelle. C’est exactement ce que font les examinateurs dans des simulateurs de vols, imaginer les pires pannes possibles pour déstabiliser l’apprenant et mobiliser ses facultés d’adaptations dans des situations extrêmes.

 

Le dernier courant est le socio-constructivisme. Lev Vygotski 1934 nous enseigne que l’apprentissage est une construction mais qu’elle est éminemment sociale.

Amener les élèves à échanger sur leurs perceptions, leur façon de voir les phénomènes présentés, de tenter de parvenir à un consensus fait en sorte que chacun des deux interlocuteurs affine sa conception. Un élément très intéressant chez les socio-constructivistes est représenté par le fait que le développement cognitif n'est pas figé comme chez Piaget en fonction des stades associés à l’âge et qui permettraient à l'élève de passer d'un stade cognitif à un autre.

Le rôle de l'enseignant est de mettre les élèves dans des situations dans lesquelles les échanges vont être riches et dans lesquelles l'enseignant doit animer les échanges sans les couper des affirmations qui font office de conclusion définitive. Laisser les élèves discuter lors de staffs cliniques par exemple et intervenir dans un second temps, lors de dissonances, l’apparition d’erreurs de compréhension chez les élèves est une attitude bien plus productive et formatrice.

Pour Vygotski, Le développement de l'enfant ne procède pas de l'individuel vers le social, mais du social vers l'individuel.

Piaget considérait que le développement évolue à différents stades (en escalier) en fonction de l’âge et que ce développement précède l’apprentissage. Vygotski pense l’inverse, «l'apprentissage devance toujours le développement».

Certains enfants, qualifié parfois de précoces, présentent un âge mental déterminé mais ont des acquisitions correspondantes à des enfants plus âgés. Ce ne sont pas uniquement des capacités mémorielles extraordinaires mais aussi des capacités d’analyse, de jugement et de création élaborées. Les vitesses d’acquisitions des apprentissages ne sont pas identiques chez tout le monde, elles varient selon les âges et les personnes. Cette différence définit la zone proximale de développement de Vygotski (ZPD). Pour lui, c’est «l'élément le plus déterminant pour l'apprentissage et le développement». Car «ce que l'enfant sait faire aujourd'hui en collaboration, il saura le faire tout seul demain».

 

Zone proximale de développement (ZPD)

Dans le schéma ci-dessous, il y a le cercle ce que l’on sait (donc peu d’engagement dans une activité d’apprentissage), un cercle plus grand qui représente ce que l’on est capable d’apprendre, seul ou guidé (l’engagement est possible). Au delà, il est impossible d’apprendre car ce qui est mobilisé est trop éloigné de la ZPD, l’engagement est impossible, suscite le découragement, et favorise l’abandon.

L’activité d’apprentissage doit se situer aux alentours de la ZPD. C’est à cela qu’on peut évaluer les facultés pédagogiques de l’enseignant. 

Zone proximale de développement. Lev Vygotski. 1934

Zone proximale de développement. Lev Vygotski. 1934

Les taxonomies

 

Lorsqu’un enseignant prévoit un projet ou une séquence d’apprentissage, il se demande : quelle est la transformation cognitive que je veux voir se produite chez mon élève ? Quelles sont les actions que je vais devoir poser pour que cette transformation soit possible ?

Plus généralement et simplement il se demande que faut-il que je fasse pour qu’ils comprennent ce que je leur raconte ?

Quelles sont les questions à poser pour qu’un travail suscite un apprentissage ?

Et pour un élève en difficulté, comment modifier mon discours sans lui donner des réponses toutes faites ?

Par contre pour un élève brillant, que dois-je mettre en place pour favoriser un enrichissement de ses apprentissages ?

Il est important, pour répondre à toutes ces questions, de comprendre comment se réalisent les processus cognitifs.

 

La taxonomie de Bloom en 1956 (Bloom 1956) et la taxonomie des processus cognitifs de Anderson et Krathwohl en 2001 (Anderson et Krathwohl 2001) nous donnent des pistes pour comprendre, ces auteurs nous livrent une hiérarchisation et une classification des niveaux d’acquisition des connaissances.

Bloom décrit plusieurs niveaux d’habiletés cognitives, les processus de bas niveau (LOTS pour lower order thinking skills) au nombre de trois, et les processus de haut niveau cognitif (HOTS pour Higher order thinking skills) au nombre aussi de trois.

 

Le premier processus, mémoriser, la mémorisation concerne les connaissances emmagasinées et mémorisées dans la mémoire à long terme et non dans la mémoire à court terme. L’intérêt est de conserver ses acquis et non de bachoter avant l’examen.

Le second processus, comprendre ; lorsque l’apprenant comprend il est capable de mobiliser ses connaissances, de donner des exemples, d’expliquer à l’aide de ses propres mots, de comparer des éléments.

Lorsqu’on a compris, vient le troisième processus : appliquer. Appliquer, c’est adapter ses connaissances à son environnement ou à une situation particulière, c’est d’être capable de sortir du cadre général ou théorique et de mettre en place une série d'étapes pour réaliser quelque chose ou résoudre un problème.

 

Concernant les processus de haut niveau ; le premier : analyser ; il représente une habileté cognitive plus élaborée afin d’observer les relations entre les éléments et les concepts, c’est d’être capable d’un minimum de recul, de faire appel à des facultés métacognitives pour poser à plat des données et en extraire les éléments principaux, de dégager l’essentiel d’un concept.

Le deuxième c’est évaluer, c’est d’être capable de porter un jugement afin de donner une valeur, d’estimer ou de mesurer quelque chose en se basant sur des critères particuliers (des critères de jugement).

Le dernier processus, c’est l’habileté de créer ; créer n’est pas réservé au domaine artistique (quoique dans l’art thérapeutique), la résolution innovante et originale d’un problème, la remise en question et la proposition d’idées et d’hypothèses sont des processus créatifs.

 

Ces processus, présentés sous forme hiérarchisée et logique, ne sont pas pour autant figés, et ce ne sont pas non plus des « recettes » à appliquer systématiquement. Mettre les élèves dans une posture d’analyse ou d’évaluation va provoquer parfois un retour en arrière vers des processus de mémorisation ou de compréhension de certaines notions et concepts qui semblaient acquis.

Il n’y a pas de niveaux à respecter du plus bas au plus haut, certaines situations nécessitent l’inverse. Parfois il faut commencer par créer et réussir pour comprendre (ça développe les compétences) et non l’inverse comprendre pour créer et réussir, c’est la notion d’alternance. 

Les taxonomies d'Anderson et Krathwohl en 2001

Les taxonomies d'Anderson et Krathwohl en 2001

Ce qu’en disent les neurosciences

Les 4 piliers de l’apprentissage

L’attention, l’engagement actif, le retour d’information et la consolidation

L’attention : c’est le filtrage permettant de sélectionner une information et d’en moduler le traitement. Il existe 3 systèmes attentionnels : l’alerte, l’orientation et le contrôle exécutif. L’alerte : l’enseignant doit attirer l’attention de l’apprenant sur quelque chose de particulier dans l’environnement, l’alerter puis dans un second temps l’orienter vers des objets pertinents, canaliser sa perception. Ensuite le contrôle exécutif permet d’inhiber des comportements indésirables ou perturbateurs qui pourraient disperser l’apprenant. L’apprenant, même guidé, doit rester actif et conscient, c’est l’engagement actif, c’est cette capacité à ne pas être passif sinon on apprend rien. L’apprenant se mobilise activement et l’enseignant augment la difficulté progressivement et raisonnablement pour engager l’apprenant et le stimuler. Ils vérifient le niveau atteint par l’évaluation ou l’autoévaluation ; ce qui amène au retour d’information. Le cerveau fait des prédictions de l’action future (voir article  sur le cerveau et les inférences bayésiennes) et le préfrontal intègre les erreurs de prédictions face à la réalité comparative des perceptions. L’erreur est donc humaine, prédiction, feedback, correction sont les fondements de l’organisation cérébrale perceptive. L’erreur est fondamentale, normale, inévitable et fertile selon S. Dehaene pour adapter les corrections nécessaires ; l’erreur n’est donc pas une faute !

Cette erreur bénéfique doit être dépassée et non sanctionnée de façon virulente comme étant une faute inacceptable. L’apprenant commet des erreurs qui ne sont pas des fautes. L’enseignant commet une faute s’il ne permet pas à l’apprenant de faire des erreurs. L’erreur ne doit pas être génératrice de stress car cela détruit l’apprentissage.

En matière de pédagogie, faire une erreur sans le savoir n'est pas une connerie ni une faute, la connerie consiste à persister dans son erreur tout en le sachant, c'est une faute. Et on le sait, la connerie est comme l’intelligence et la créativité, infinies...

L’enseignant doit encourager la poursuite des efforts, aider l’apprenant à se relever, être un facteur de résilience. Il doit aider l’apprenant à consolider ses acquis. Cela correspond à créer des automatismes, passer de contenus explicites à des contenus implicites quasi non conscient. Le temps de pratique influe énormément sur cette consolidation. En matière de conduite automobile, les débuts sont difficiles, tout est compliqué et de multiples informations arrivent et doivent être gérées en même temps, ce n’est plus le cas au bout de quelques années de pratique. 

Les quatre piliers de l'apprentissage. Stanislas Dehaene.

Les capacités mentales

 

Représentation mentale : elle commence dès l’âge de 8 mois avec la permanence de l’objet. Si vous jouez à cache-cache en vous dissimulant derrière une porte, le petit va aller vous chercher derrière celle-ci car il sait que vous y êtes.

Plus tard la plupart des perceptions sont mémorisées (et réactivées) et modifiées afin d’avoir une représentation durable et évocable de notre environnement (cf article). Cette capacité permet dès lors l’accès aux rêves et à la simulation, la préparation de l’action future.

En ostéopathie, il est intéressant de travailler l’anatomie en représentation mentale, en visualisation les yeux fermés ; cette technique est bien plus efficace pour la mémorisation que le « par cœur » livresque qui certes permet de valider des partiels d’examen. Le gain est applicable en pratique car elle permet la visualisation 3D de l’anatomie (heureusement il existe des logiciels adaptés) ; nos ancêtres apprenaient l’anatomie en dissection, un outils pédagogique adapté à la simulation mentale 3D.

De même les sportifs utilisent la simulation « yeux fermés » pour visualiser un parcours et voir à quel niveau de celui-ci il existe un blocage dans la gestuelle.

 

Flexibilité mentale : elle représente la capacité de s’affranchir d’une règle pour en adopter une autre plus pertinente et adéquate à une nouvelle situation.

La perte de repères conceptuels anciens et l’attachement affectif qui lui est lié est parfois anxiogène et déstabilisant, ceci est parfois encore plus vrai non pas chez l’apprenant novice mais chez l’apprenant plus âgé (parfois même chez l’enseignant…)

L’accompagnant initie cette flexibilité mentale en engageant l’apprenant dans des comportement et des réflexions nouvelles, la formulation d’hypothèses, la liberté de faire des erreurs et de recommencer. Ne pas créer de stress supplémentaire par un jugement intempestif, créer un climat de sécurité autour de l’apprentissage, évaluer le travail réalisé sans juger de la personne et de ses capacités sont les ingrédients de bonnes conditions d’apprentissage.

La pensée est un processus constant entre l’individu et son milieu, une recherche d’habitude et de nouveauté à la fois.

Le cerveau adulte produit des nouveaux neurones (neurogénèse secondaire) ayant pour conséquence fonctionnelle des phénomènes d’auto-configuration constante. Ce processus permettrait de créer de la diversité et de nouvelles représentations mentales. C’et le versant neurologique de la flexibilité. A contrario, il existe des « traces » consolidées au cours de l’apprentissage et d’autres moins pertinentes éliminées. C’est la stabilité, ce qui fait évoquer à Pierre Marie Lledo la notion de flex-stabilité. Comme en thermodynamique, cette notion est un processus dynamique caractéristique des équilibres métastables biologiques. Cette dynamique permet des propriétés émergentes comme tout système complexe (voir article). Ainsi pas de chef pour coordonner l’auto-organisation des circuits neuronaux dans l’activité mentale (voir article).

« Selon ce principe d’équilibre dynamique, il existerait deux états correspondant à une position stable caractéristique de l’ennui (pour le versant stabilité́) ou de la créativité (pour le versant flexibilité)….. De nombreux facteurs de l’environnement ont été identifiés comme étant capables de réguler la neurogenèse du cerveau adulte. L’activité physique et mentale, l’apprentissage et toutes conditions de bien-être concourent à élever la production de néo-neurones dans le cerveau adulte. À l’inverse, le stress, l’anxiété ou la dépression sont de puissants freins capables de bloquer cette production neuronale. » P.M. Lledo. 

Les capacités mentales

Les capacités mentales

Selon ce principe d’équilibre dynamique, il existerait deux états correspondant à une position stable caractéristique de l’ennui (pour le versant stabilité́) ou de la créativité (pour le versant flexibilité)….. De nombreux facteurs de l’environnement ont été identifiés comme étant capables de réguler la neurogenèse du cerveau adulte. L’activité physique et mentale, l’apprentissage et toutes conditions de bien-être concourent à élever la production de néo-neurones dans le cerveau adulte. À l’inverse, le stress, l’anxiété ou la dépression sont de puissants freins capables de bloquer cette production neuronale.

P.M. Lledo.

La planification

C’est la capacité de se représenter les projets d’avenir, de construire des programmes d’actions futures. C’est sortir de l’immédiateté du présent et de l’impulsivité dans un but projectif et prospectiviste.

L’objectif de l’enseignant est de pratiquer une évaluation diagnostique des compétences déjà acquises de l’apprenant et de lui donner des objectifs à atteindre dans le futur (proche ou éloigné) correspondant au niveau dans lequel il se trouve dans l’ici et maintenant.

 

La capacité d’initiative

Elle correspond à des actes autodéterminés (initiés et produits par le sujet) et non hétérodéterminés (initié sur ordre par autrui). On passe de l’apprentissage « fait ceci et cela » à « fait comme tu le sens », de l’action ordonnée à l’action désirée.

L’enseignant doit solliciter chez l’apprenant ses capacités d’inventivité, d’autonomie dans un cadre (pas trop rigide) qu’il a donné au préalable, il doit interagir avec lui dans un accompagnement bienveillant.

 

L’attention

C’est cette capacité à rester focalisé sur un objet pertinent ou un problème et savoir le distinguer et l’identifier parmi d’autres sollicitations et informations extérieures non pertinentes. Comme le précise Stanislas Dehaene, elle est un des piliers de l’apprentissage.

La connaissance = A x t. la connaissance c’est de l’attention et du temps comme disait Idriss Aberkanne (voir la vidéo ci-dessous). 

Love Can Do. Idriss Aberkane. TEDxRennes

Les émotions

L’apprentissage comporte une déstabilisation cognitive qui correspond à un processus « d’assimilation et d’accommodation » selon Jean Piaget. La remise en question des fondements nouveaux appris provoque une frustration liée à la non pertinence de ce l’on savait déjà et de l’ampleur de notre ignorance face à l’énormité de ce que l’on ne sait pas.

L’anxiété peut survenir face aux nouvelles représentations mentales nécessaires à acquérir, la régulation des émotions est donc primordiale.

Il faut sortir de sa zone de confort lors de l’apprentissage (surtout dans les savoirs faire) et se confronter à l’échec ou l’erreur. Les continents de notre ignorance (Stuart Firestein) nous rendent plus modeste et force l’humilité.

Cette déstabilisation cognitive et les efforts cognitifs (dont le coût est énorme) produit, la lutte contre intuitive, l’inhibition des automatismes (le système 3 de O. Houdé), rendent l’apprenant fragile. L’échec scolaire fait le lit de la violence scolaire.

Colère, violence, sentiment d’échec et de nullité, dévalorisation de soi peuvent surgir, en cas de non-résilience de l’apprenant ou, plus grave, par la posture déstabilisante, humiliante et non accompagnante de l’enseignant.

Le rôle de l’enseignant est d’accompagner l’apprenant dans ces moments difficiles, de doutes, de vulnérabilité, de remise en question, et surtout de peur de se tromper et de l’échec, mais aussi de lui apprendre à se dégager de certains dogmes établis, de l’emprise des certitudes.

Heureusement des émotions agréables parviennent lors de la réussite d’un apprentissage. Le plaisir procuré suffit parfois à servir de motivation (intrinsèque) dans la poursuite de l’apprentissage.

La régulation de l’émotivité est un rouage essentiel de l’efficacité des apprentissages.

Rester conscient des variations émotionnelles pouvant aller de la détresse paroxystique à l’euphorie est un indicateur de la bonne santé psychologique.

Les émotions extrêmes inhibent les lobes frontaux et sa capacité d’analyse et de contrôle mettant en lien les représentations internes et le monde extérieur, ce qui n’a souvent aucun rapport avec la réalité. Cette projection fait parfois dire aux élèves : « de toute façon, ce prof ne peut pas me blairer, à quoi bon réviser, c’est mort ! ».

Un bon apprentissage, c’est être empathique avec l’enseignant, être dans une attitude favorable et contrôler ses actes et ses pensées lors d’un débordement. Rein ne sert d’être effondré (surtout si on est bien préparé) devant un jury avant un examen oral sous prétexte que le prof n’a pas la réputation d’être sympa.

 

La mémorisation

La connaissance stimule la connaissance, elle stimule de ce fait la motivation intrinsèque.

La mémorisation est nécessaire pour le raisonnement par inférences, elle lui sert de support et participe à la création du sens. Pour apprendre des concepts nouveaux et des pratiques ostéopathiques, il faut multiplier les épisodes, les mises en situation. C’est « l’apprentissage multi-épisodique » de Lieury 1997.

La répétition de prises de mains, de gestuelles (pas des techniques) favorise la mémorisation et les automatismes donnant de l’assurance et ainsi favorisant la confiance en soi et la motivation pour s’améliorer.

En pratique d’enseignement, la répétition peut prendre plusieurs formes : le cours magistral, les travaux dirigés, l’accompagnement en petits groupes, la recherche sur internet, la documentation vidéo ou audio. 

REFERENCES

 

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Cantin Judith. Conseillère pédagogique en intégration des TIC à la CSSMI

 

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