T’as vraiment rien dans le crâne ! La pneumatisation crânienne.
D’un point de vue radiologique, notre tête est pleine de trous, de vides, de cavités, dédiés au passage et au remplissage de tissus mous dévolus à nos sens, à certaines fonctions et à notre vie de relation.
Cavités morvées, dentées voire édentées, languée, aérées, divisées ou confluées, cérébrées, internalisées, elles jouissent de fonctionnalités importantes au sein de notre « boite » crânienne.
Les fosses nasales
Les fosses nasales sont responsables du réchauffement de l'air inspiré, de l'humidification de l'air et de la perception des odeurs. Les fosses nasales sont complétées par des formations osseuses complémentaires enroulées (les cornets) recouverts par une muqueuse respiratoire ciliée et érectile se gonflant alternativement toutes les 3 à 5 heures (cycle nasal).
Les cornets sont séparés par des espaces appelés méats.
Le méat inférieur, situé sous le cornet inférieur, reçoit le canal lacrymal permettant de drainer les larmes dans les fosses nasales.
Le méat moyen, situé entre le cornet inférieur et le cornet moyen, est le lieu de drainage de tous les sinus antérieurs de la face : Le sinus maxillaire, le sinus frontal et la partie antérieure du sinus ethmoïdal.
Le méat supérieur situé entre le cornet moyen et le cornet supérieur, draine les sinus postérieurs de la face : la partie postérieure du sinus ethmoïdal et le sinus sphénoïdal.
Les cavités sinusiennes
Les sinus de la face représentent l’ensemble de cavités aériennes développées au sein du massif facial. Ils communiquent directement ou indirectement avec la cavité nasale et sont tapissés par une même muqueuse respiratoire.
Les sinus maxillaires
Creusé dans le corps de l’os Maxillaire, il a comme rapport de la face antérieure et latérale : la région jugale ; de la face supérieure il forme la plancher orbitaire ; de sa face postérieure il forme l’espace profond de la face et la zone ptérygo-palatine et dans la face inférieure : les alvéoles dentaires.
Sur ces images, on peut se rendre compte de l’espace vide (osseux) entre la partie postérieure du maxillaire et la grande aile du sphénoïde en haut (image de gauche) créant la fosse ptérygo-palatine (palatin en bleu)et le contact entre le maxillaire et les ptérygoïdes en bas (photo de droite).
Les sinus ethmoïdaux
Creusés dans l’ethmoïde, ils forment le carrefour sinusal de la face. L’ethmoïde est un os de la face profonde formé de deux parallélépipèdes (masses latérales de l’ethmoïde) reliés entre eux par une lame osseuse horizontale (la lame criblée). Les masses latérales forment un labyrinthe reliant les sinus frontaux, sphénoïdaux et la cavité nasale. Ils sont en rapport latéralement avec les cavités orbitaires et le plancher naso-frontal en haut.
De gauche à droite en bleu : masses latérales de l’ethmoïde, lame criblée et lame perpendiculaire et crista galli.
Les sinus sphénoïdaux
Creusés dans le corps du sphénoïde, en arrière des labyrinthes ethmoïdaux, ils sont en rapport avec les carotides internes en arrière, les nerfs optiques en avant et latéralement (latéralement avec les sinus caverneux), l’hypophyse en haut.
Cavités sinusales ethmoïdales antérieures, moyennes et postérieures (de gauche à droite en haut). Cavités sinusales frontales, sphénoïdales et maxillaires (de gauche à droite en bas). On visualise dans ces images l’intérieur des cavités et non la partie osseuse externe.
Les sinus frontaux
Creusé au dépend de la partie sus-orbitaire du frontal, ils sont en rapport avec la peau en avant et la zone cérébro-duremérienne antérieure.
Pneumatisation crânienne
La forme de ces sinus, leur cloisonnement, et leur taille est très variable selon des critères encore mal définis.
Les sinus sont responsables de la pneumatisation du massif cranio-facial, ils sont des prolongements annexes des fosses nasales. Leur rôle est d’alléger le crâne, de réajuster les parois crâniennes entre la voute et la face et auraient un rôle dans l’adaptation au froid.
Chez les néandertaliens la pneumatisation poussée (hypertrophie des sinus frontaux et maxillaires) serait responsable de la forme du massif facial.
Cette pneumatisation a-t-elle un caractère ethnique ? (Tillier 1977)
Sur une série de cranes français (40 crânes), les grands sinus sont présents (62,5 % pour les frontaux, 67,5 % pour les maxillaires et sphénoïdaux)
Les sinus frontaux sont fréquemment asymétriques et en moyenne plus grands chez les hommes/femmes avec une variation individuelle plus importantes chez ces dernières.
Les sinus maxillaires ont une taille plutôt homogène, les sphénoïdaux sont rarement petits et le prolongement basilaire est plus fréquent chez les femmes.
Sur une série de crânes australiens (15 crânes), les grands sinus (53,4 % pour les frontaux et les sphénoïdaux, de 67 % pour les maxillaires) sont très variables avec une asymétrie forte voire une aplasie/hypoplasie de 46,6%. Contre-intuitivement, le développement des sinus n’a aucun rapport avec la saillie des arcades sourcilières. Les grands sinus sphénoïdaux sont les plus nombreux malgré l’absence de prolongement basilaire.
Sur une série de crânes eskimos (12 crânes), seuls les sinus maxillaires sont bien développés. L’aplasie et l'hypoplasie concernent les 3/4 de l'échantillon des sinus frontaux et un cas d'aplasie concerne les sinus sphénoïdaux. Les Eskimos présentent une forte fréquence de petits sinus.
Dans tous les cas, et en prenant en considération la faiblesse des échantillons, le développement du sinus maxillaire demeure étroitement lié à la morphologie du maxillaire mais il n'en est pas de même pour le sinus frontal et la région supra-orbitaire. Le développement latéral de la pneumatisation frontale n'a aucun rapport avec la valeur de la largeur inter-orbitaire ou avec celle de la largeur frontale minimale et il n’existe aucun lien strict entre la saillie des arcades sourcilières et le développement des sinus.
Hyperpneumatisation
L’hyperpneumatisation est une variation congénitale rare d’un pneumatocèle (ou un pneumorrhachis) de la base crânienne et des vertèbres cervicales (pneumosinus dilatans). La symptomatologie courante fait état de céphalées, cervicalgies, d’acouphènes ou de rhinites. (Massmann 2012)
Scanner montrant l’hyperpneumatisation de C1 en A, de la base du crâne en B, de la mastoïde et de l’occiput en C et D, E.
La pneumatisation peut être acquise à la suite de complication de répétitions de manœuvres de valsalva lors des plongées sous marines par exemple. De même la toux, ou certains traumatismes directs peuvent en être à l’origine. Cette manœuvre provoque une augmentation des pressions positives de la région ORL pouvant être à l’origine d’hyperpneumatisation rachidienne et crânienne. (Germino 2013)
Selon une revue de littérature, la majorité des hyperpneumatisation apparaît chez l’homme et plus du coté droit. Les causes de l’extension peuvent être liées à une fusion incomplète des sutures crâniennes (occipito-mastoïdienne, lambdoïde ou sagittale). (Rebol 2004)
tomographie montrant un pneumorrhachis cervico thoracique (à droite et au centre), et occipito-foraminal (à gauche). Germino 2013
La forme, la disposition, la pneumatisation, le cloisonnement des sinus sont d’une variabilité énorme, allant de la simple déviation banale de la cloison nasale jusqu’aux hyperpneumatisations pouvant se révéler dangereuses car elles présentent un risque fracturaire, lésionnel ou infectieux sur les tissus environnants lors de la procidence de l’artère carotide interne ou du nerf optique, ou à cause du cloisonnement frêle de la zone orbitaire ou de la zone encéphalique.
Hyperpneumatisation sphénoïdale avec les atteintes des zones alaires, ptérygoïdiennes, clinoïdiennes avec un risque traumatiques et infectieux
On voit bien que ce « crâne », enseigné et présenté comme quelque chose de quasi uniquement osseux, est finalement une boite « vide » tout du moins d’un point de vue radiologique.
L’ensemble « tête » est plus volumineux par sa portion molle que dure. Or l’abord ostéopathique enseigné, évalué, représenté et traité est plus important pour sa partie dure. Ainsi vouloir redonner de la « mobilité » à ces zones et ne s’intéresser qu’à la part « suture » n’est peut-être pas la bonne solution. De même, même si les hyperpneumatisation sont rares, les dangers de celles-ci, plus particulièrement cervicales, présentent un risque non négligeable en cas de manipulations vertébrales.
L’idée est peut-être de jouer, non pas sur la mobilité, mais sur la déformabilité des structures osseuses et périostées (internes et externes faciales) afin de provoquer une réorganisation conjonctive plus « équilibrée » que ce soit au niveau local ou au niveau crânien plus général.
De même, utiliser à des fins diagnostiques et thérapeutiques ces tissus conjonctifs comme la langue, les dents, le périoste ou les yeux, dans leur fonctionnalité, pourraient-ils avoir un effet concluant ?
Se pourrait-il que le fait de traiter le conjonctif ait un effet sur sa fonction et sur le contenant osseux au point de modifier sa forme et son volume, sans passer par la mobilité de ce même contenant ?
N’y aurait-il que la dure-mère, les sutures, l’ATM et les vertèbres attenantes de mobilisables dans cette boite crânienne ?
Face au volume conjonctif de cet ensemble, ne se préoccuper que d’une faible proportion de celui-ci ne peut-il pas sembler restrictif ?
Ne serait-il pas intéressant d’aborder différemment la tête du nourrisson, de l’enfant en développement, de l’adolescent et de l’adulte ? Quel âge ? Quel développement attendre ? Quelles fonctions sont perturbées et sont à corriger ?
Toutes ces questions (et les réponses possibles) ne seraient envisageables qu’au sein de structures hospitalières en association avec des praticiens médicaux et ostéos dans une volonté d’évolution de recherche bienveillante centrée sur le patient, en dehors des egos boursouflés des parties prenantes ; mais ça c’est une autre histoire…
Références
Tillier Anne-Marie. La pneumatisation du massif cranio-facial chez les hommes actuels et fossiles. In: Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, XIII° Série. Tome 4 fascicule 2, 1977. pp. 177-189. Doi : 10.3406/bmsap.1977.1873http://www.persee.fr/doc/bmsap_0037-8984_1977_num_4_2_1873
Massmann A. Garcia P. 2012. Atypical Extensive Extratemporal Hyperpneumatization of the Skull Base Including the Cervical Spine. Spine. Vol 37. N° 3. pp E199–E202. Doi: 10.1097/BRS.0b013e3182283102.
Rebol J. Munda A. Hyperpneumatization of the temporal, occipital and parietal bones. Eur Arch Otorhinolaryngol. 2004. 261. Doi 10.1007/s00405-003-0716-6.