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20 Feb

Lois mécaniques des petites déformations

Publié par francois delcourt  - Catégories :  #Biomécanique

Lois mécaniques des petites déformations

Un solide est un corps caractérisé par une forme et des dimensions. Il en existe deux types, le solide indéformable qui est une abstraction théorique, appelé solide d'Euclide. Dans ce cas, la distance entre deux points quelconques reste constante, quelles que soient les contraintes auxquelles il est soumis. Le deuxième appelé solide déformable représente le solide courant puisque, en réalité, tout corps est déformable de façon aussi minime que ce soit. On le nomme aussi solide de Hooke. Il est dit viscoélastique ou élastoplastique.

Ces lois mécaniques appartiennent au domaine des sciences de l’ingénieur, plus particulièrement à la résistance des matériaux. Plusieurs sous domaines, les théories mathématiques de l’élasticité (loi de Hooke), la rhéologie (science qui étudie les phénomènes qui conditionnent les écoulements et la déformation de la matière)

Force et mobilité

On appelle force toute cause capable de produire un mouvement, modifier ce mouvement (en l’accélérant, en le freinant, en le stoppant, ou en changeant sa direction) ou de déformer un corps de façon visible ou invisible. Une force et appelée aussi sollicitation ou effort.

 

Contraintes

Dans un corps stable et non déformé, la disposition de ses molécules correspond à son état d’équilibre thermique. Dans ces conditions toutes les parties du corps sont en équilibre entre elles, ce qui signifie que si l’on considère une partie à l’intérieur de ce corps, dans ce volume, l’ensemble de toutes les forces résultantes exercées sur ce volume de la part des autres parties est nulle.

Après déformation, la disposition des molécules change et ainsi le corps se trouve hors équilibre. Il en résulte l’apparition de forces capable de faire revenir le corps à son état d’équilibre. Ces forces prenant naissance suite à la déformation sont appelées contraintes internes. Les forces extérieures nécessaires à la déformation du corps peuvent s’exercer à sa surface ou à l’intérieur de celui-ci. Les contraintes internes ont la dimension d’une pression qui peut s’exercer perpendiculairement ou tangentiellement ou de façon combinée. 

Il existe trois formes élémentaires de contraintes

  • la traction
  • la compression
  • le cisaillement

À ces trois formes de contrainte élémentaires s'ajoutent la torsion et la flexion (combinaisons des précédentes)

La torsion représente une forme particulière du cisaillement.

La flexion est une combinaison de compression et de traction.

Les unités de mesure SI de la contrainte sont le N/m2 ou le pascal [Pa]

 

La traction

C’est l’application de deux forces normales égales, opposées et divergentes.

Lors de la traction, il se produit un allongement dans la direction de la force et un rétrécissement dans la direction perpendiculaire à la traction. On parle de phénomène de striction. La striction, correspondant à une diminution de la section, entraîne malgré la même sollicitation, une augmentation de la contrainte. 

Contrainte en traction associée à une striction.

Contrainte en traction associée à une striction.

Le rapport entre la compression relative (striction) et l’allongement longitudinal est caractéristique du solide, et s’appelle le coefficient de Poisson. Le coefficient de Poisson est voisin de 0,5 au maximum. 

Valeur absolue du rapport de la déformation transversale à la déformation axiale correspondante résultant d’une contrainte axiale uniformément répartie. Dans le cas d’une matière anisotrope, le coefficient de poisson varie avec la direction d’application de la contrainte.

Koller Emilian. (2008). "Dictionnaire encyclopédique des sciences des matériaux". (I. 978-2-10-051216-4, Éd.) Paris: Dunod. L’usine nouvelle.

Lois mécaniques des petites déformations

Cette notion de striction associée à la traction est importante surtout lorsque la traction s’applique sur des matériaux composites comme la plupart des tissus biologiques avec des modules d’Young différents. Dans un rachis par exemple, la contrainte normale est la même dans le corps vertébral que dans le disque mais en raison d’un module d’Young plus faible pour le disque, c’est celui-ci qui se déforme le plus en s’allongeant et en diminuant sa section.

 

La compression

C’est l’application de deux forces normales égales, opposées et convergentes.

Dans la contrainte en compression, celle-ci provoque un raccourcissement dans la direction de la compression et une dilatation dans le sens de la section.

Leur valeur respective est applicable par la même formule mais les corps ne sont pas forcement aussi résistant en traction qu’en compression

Contrainte en compression associée à une dilatation.

Contrainte en compression associée à une dilatation.

 

Pour en revenir au rachis, l’os d’une manière générale et les vertèbres en particulier supportent mieux les contraintes en compression qu’en traction.

 

Le cisaillement

C’est l’application de deux forces tangentielles égales, opposées et divergentes.

Dans la contrainte de cisaillement, un plan de section glisse par rapport à un autre plan de section parallèle. Une manière de se représenter une déformation de type cisaillement est de prendre un bloc et de faire glisser deux faces opposées du cube l’une par rapport à l’autre.

Contrainte en cisaillement.

Contrainte en cisaillement.

Dans le cadre d’une approche 3D, si le volume change mais que la forme du solide reste inchangée, alors la déformation correspond à une compression hydrostatique. Si la forme change mais que le volume reste inchangé, la déformation correspond à du cisaillement pur.

 

Dans les solides, la contrainte ne peut pas être mesurée directement. Elle ne peut être calculée qu'indirectement à partir de la déformation du corps ou par la méthode des éléments finis ou comme nous le verrons par élastographie (voir article).

De manière générale, il est possible d’exprimer toute déformation en fonction d’une déformation de compression et d’une déformation de cisaillement

 

La torsion

C’est l’application d’un couple de forces parallèles tangentielles, opposées et divergentes. La rotation se traduit par une traction et un rapprochement des sections, ce qui est équivalent à une compression de l’ensemble de la structure (essorer un linge). La partie centrale (fibre moyenne) du solide ne supporte aucune contrainte (de ce fait certaines structures architecturales cylindriques sont creuses et supportent tout autant la torsion).

Les os long ont une structure comprenant de l’os cortical (plus résistant) à la périphérie et de l’os spongieux au centre (rempli de moelle osseuse ayant une autre fonction non mécanique)

Contrainte en torsion.
Contrainte en torsion.

Contrainte en torsion.

La flexion

C’est l’application de forces tangentielles opposées séparées, d’une distance d suffisante pour ne pas couper, cisailler.

Les contraintes provoquées par la flexion sont différentes au niveau de la convexité (traction au dessus) et au niveau de la concavité (compression au dessous)

Contrainte en flexion.

Contrainte en flexion.

La contrainte en traction ou en compression est maximale à la périphérie de la poutre, elle est nulle dans le plan moyen donc neutre, ce qui explique la forme en I des poutrelles métalliques architecturales. 

Lois mécaniques des petites déformations

"On sollicite une force, on provoque une contrainte, on observe une déformation."

Déplacements et déformations

Sous l’effet d’une force, un solide se déforme d’une façon plus ou moins importante.

Un solide se déforme en changeant de forme et de volume. Chaque point du solide subit un changement de position des différents points constituant le solide provoqué par cette force (extérieure ou intérieure). Ce changement de position des différents points du solide peut s’accompagner également d’un changement dans la distance entre les points. Le seul cas où la distance entre les points ne change pas correspond à tous les mouvements d’ensemble de l’objet : rotation ou translation.

Ce déplacement est défini comme la différence entre la position initiale et la position finale. Par définition la déformation est la différence entre la distance finale et la distance initiale. La déformation est une grandeur sans dimension, elle représente en fait un taux de déplacement.

 

Tenseurs d’élasticité

Les propriétés mécaniques des tissus biologiques sont définies par la relation reliant la déformation et la contrainte. Des simplifications sont nécessaires pour exprimer la variété des tissus biologiques rencontrés. Le modèle du solide élastique de Hooke

Est le modèle le plus simple pour la compréhension même si la forme composite des tissus biologiques tendrait à utiliser d’autres modèles ou des modèles combinés suivant la nature de ceux-ci. Le modèle des fluides visqueux newtonien, non newtoniens, des fluides non visqueux, et d’autres modèles pourraient être utilisés pour éviter l’approximation du mode de comportement de ces tissus.

 

Loi de Hooke

Robert Hooke a introduit en 1678 une loi permettant de relier la déformation d’un ressort à la force exercée sur celui-ci : ut tensio sic vis, telle extension telle force.

Cette formulation est à l’origine de la notion de raideur des ressorts. Cette loi peut s’étendre aux milieux continus que sont les tissus biologiques.

Lorsque la déformation d’un solide élastique est petite, elle dépend linéairement de la contrainte : c’est la loi de Hooke. Elle exprime la relation entre la contrainte et la déformation. Cette loi ne s’applique que pour des contraintes linéaires. Le tenseur de contrainte σ est égal à E (tenseur ou coefficient d’élasticité ou module d’Young ou désigné sous le terme de rigidité qui caractérise le matériau. Il représente l’aptitude d’un matériau à se déformer de façon élastique sous l’action d’une contrainte.) multiplié par ε le tenseur de déformation. Le tenseur de contrainte est équivalent à une pression et est exprimé en Pascal.

 

σ = E. ε

 

Une contrainte externe σ statique appliquée sur la surface d’un solide produit une déformation qui dépend de la dureté du matériau. La dureté des tissus E en kPa est mesurée par le module de Young et est définie par le rapport entre contrainte et déformation : 

Lois mécaniques des petites déformations

E est d’autant plus élevé que le tissu est dur.

E est relié à 2 paramètres principaux décrivant les solides:

λ le module de compressibilité des tissus et

μ le module de cisaillement des tissus par l’équation suivante (qui se simplifie car dans le corps humain λ >>> μ 

Lois mécaniques des petites déformations

Ainsi, le module de Young est environ 3 fois plus élevé que le module de cisaillement et il est donc possible de considérer uniquement le module de cisaillement d’un tissu.

 

Sa généralisation est le fondement essentiel de la théorie d'élasticité : tant que la contrainte de déformation ne dépasse pas la limite d'élasticité, la déformation produite est une fonction linéaire de cette contrainte. (Koller Emilian, 2008)

 

Diagramme contrainte-déformation

Diagramme contrainte-déformation dans le cas d'un comportement linéaire.

Diagramme contrainte-déformation dans le cas d'un comportement linéaire.

Dans ce cadre de comportement linéaire, le module d’Young est représenté par la pente à la droite, plus la pente est élevée plus le module d’Young est élevé et plus le matériau est rigide.

 

Voici quelques exemples de modules d’Young de certains matériaux.

Pour la plupart des métaux la valeur de ce module est comprise entre 45 GPa pour le magnésium et 407 GPa pour le tungstène. Les modules d'élasticité des céramiques sont généralement plus élevés que ceux des métaux ; ils sont plus faibles pour les polymères et les plastiques, de même pour les matériaux biologiques. Ces différences découlent directement du type de liaisons atomiques qui existe dans ces matériaux. Le module d’élasticité varie avec la température, généralement lorsque la température augmente, le module d'élasticité décroît.

Valeur du module de Young pour certains matériaux. Koller Emilian. (2008). "Dictionnaire encyclopédique des sciences des matériaux". (I. 978-2-10-051216-4, Éd.) Paris: Dunod. L’usine nouvelle.

Valeur du module de Young pour certains matériaux. Koller Emilian. (2008). "Dictionnaire encyclopédique des sciences des matériaux". (I. 978-2-10-051216-4, Éd.) Paris: Dunod. L’usine nouvelle.

Lorsqu’on sollicite un solide jusqu'à la rupture, on observe plusieurs phases de comportement. 

Diagramme contrainte-déformation dans le cas d'un comportement non-linéaire.

Diagramme contrainte-déformation dans le cas d'un comportement non-linéaire.

  • Une première phase dite élastique dans laquelle le solide subit une déformation donnant une courbe linéaire (la loi de Hooke s’applique). L’arrêt des sollicitations faibles provoque un retour à l’état initial et la déformation est réversible. On a un comportement ou une déformation élastique.
  • Une deuxième phase dite plastique dans laquelle le solide subit une déformation donnant une courbe. Les sollicitations plus importantes provoquent une déformation persistante et irréversible même lors de l’arrêt de celles-ci. On parle d’une déformation plastique.
  • Une troisième phase dite de rupture pour laquelle les sollicitations sont trop importantes et le solide se casse. C’est la décohésion du matériau.

L’étendue de ces phases varie selon la nature du matériau et les conditions ambiantes.

 

Ces déformations non-linéaires caractérisent le comportement des matériaux biologiques. 

Si l'on considère le corps humain comme un matériau, il est donc soumis à ces mêmes lois. Lors d'un test ou d’un traitement ostéopathique, ce corps subit des contraintes et va se déformer de façon non-linéaire. Un os vivant, structure rigide certes, est un matériau composite associant des fibres de collagène et une matrice minérale (hydroxyapatite) avec une proportion d'eau (55%). il va ainsi se déformer sous la contrainte plus facilement qu'un os sec - la différence peut être assimilable à ce qu'on observe dans la déformation entre du bois vivant et du bois mort - ce qui fait qu'il est adaptable et peut subir des transformations liées aux modifications de l'équilibre des contraintes apportées par des chocs subit ou par le traitement manuel ostéopathique. 

C'est ce que les ostéopathes appellent improprement les dysfonctions "intra-osseuses"; elles se caractérisent par une modification de l'élasticité du tissu osseux, rendu plus ou moins rigide à certains endroits. Cette modification de l'élasticité est probablement due à une modification de l'équilibre élastique du périoste - cette enveloppe conjonctive fibreuse entourant l'os - ou une modification de la trame conjonctive plus profonde. 

Le tissu osseux vivant se renouvelle constamment au cours de notre vie, plus ou moins bien en fonction de nos carences métaboliques et de certaines pathologies dégénératives, inflammatoires, infectieuses et cancéreuses. Toutes les cellules osseuse ne meurent ni ne se renouvellent en même temps mais selon un processus d'intercalation cellulaire au sein du tissu. L'os garde ainsi une trace des traumatismes subit, une fracture par exemple, comme peut le faire un arbre scarifié sur son écorce. Cette trace cicatricielle - le tissu cicatriciel est toujours de moindre bonne qualité, moins riche et en général plus rigide – va perdurer bien évidemment, mais la qualité élastique conjonctive peut évoluer favorablement dans le cadre d’un traitement ostéopathique bien mené ; cette cicatrice devient plus souple.

Finalement, qu’est-ce qu’un traitement ostéopathique, si ce n’est, non pas redonner de la mobilité au tissus mais travailler, en amont, sur la modification de la qualité conjonctive et tissulaire permettant une meilleure mobilité ?

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À propos

L'ostéopathie et les sciences