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09 May

Les inférences à l’origine de la construction de modèles comme renaissance des fondements ostéopathiques

Publié par francois delcourt

Les inférences à l’origine de la construction de modèles comme renaissance des fondements ostéopathiques

La notion de modèle

Paul Valéry disait « Nous ne raisonnons que sur des modèles. » et « Nous ne communiquons que par des modèles.» L’épistémologie des sciences nous indique comme le dit Paul Valéry que tout raisonnement scientifique est construit, élaboré théoriquement à partir de modèles, parfois issus de l’expérience empirique de façon intuitive ou contre-intuitive. De même lors de la diffusion et de la communication de nos découvertes ou expériences, celle-ci passe par des modèles. 

« L’épistémologie s’applique à l’analyse rigoureuse des discours scientifiques pour examiner les modes de raisonnement qu’ils mettent en œuvre et décrire la structure formelle de leurs théories. » (Lecourt 2010.)

Mais qu’est-ce qu’un modèle ? Comment l’utiliser ? Quelles en sont les limites ? Est-ce un point de départ ou un but à atteindre ?

Selon la définition de Jean-Louis Le Moigne : « Un modèle est une production de l’esprit visant à représenter symboliquement un phénomène. » (Le Moigne j. L., 1993)

« Le modèle est un système de pensée[iii] et de représentation, le modèle est un concept dont on ne peut faire l’économie au cours d’une recherche. Conçu comme résultat d’une modélisation spécifique, il est d’abord rassurant car il apparaît comme une béquille indispensable à la réflexion ; mais il peut aussi devenir gênant, voire inopérant. Se pose alors la question de savoir si l’on est en droit de l’adapter, de le remanier, de le dépasser ou de l’abandonner. »

[iii] Colloque interdisciplinaires jeunes chercheurs. Université Paul-Valéry 2004

Ce sont des questions inhérentes à la recherche et à la réflexion préalable à celle-ci ou qui fait suite aux résultats de cette recherche. Ce support indispensable à la reflexion est de fait, associé à celui qui l’a créé, qu’il soit institutionnel (un domaine scientifique) ou individuel (un génie ?). Il est malheureusement impossible de dissocier le modèle de son modélisateur car ils constituent un système. Le modèle constitue pour le modélisateur d’après son expérience un outil conceptuel lui permettant d’appréhender un phénomène de façon différente. Frédérique Lerbet-Sereni parle d’aide à la décision. Cet outil conceptuel permet donc d’agir.

« Le modèle occupe toujours le double statut de lecture de ce qui est appréhendé et d’aide à la décision pour construire de nouvelles modalités d’appréhension du terrain. » (Lerbet-Sereni)

« Si la modélisation dévoile, et propose sur « l’objet » un savoir d’un autre ordre, l’expérience de modélisation est ici restituée comme questionnante, éprouvante comme le signifie « expérience », et engage le mobilisateur dans un nouveau type de rapport au savoir. » (Lerbet-Sereni)

Quel que soit le terme utilisé, modèle ou théorie, il faut une méthode suffisamment bonne pour observer un objet ou un phénomène puis l’analyser ou en construire une représentation suffisamment juste, pour enfin le valider et le légitimer.

La modélisation se construit comme un point de vue pris sur le réel ». Elle n’est pas le « vrai », ni le seul point de vue. Nous sommes donc en situation, un de se déconstruire et deux, de se rendre dépendants du point de vue de celui qui conçoit.

Document de présentation de la politique scientifique du CNRS en 2002. page 119

Il est nécessaire préalablement à toute représentation s’interroger sur « le bon usage de notre raison dans les affaires humaines selon H.A. Simon. JL le Moigne précise :

« sur la forme, l’intelligibilité et la communicabilité de nos raisonnements, tout autant que sur la pertinence et la légitimité des conclusions que nous en inférons »

voilà bien le nœud du problème, l’intelligibilité et la communicabilité de nos raisonnements liés aux inférences et aux conclusions émises. Comme toute approche sensorielle, l’ostéopathe passe, lui, par le toucher faisant appel à sa raison sensible, à toute une stratégie sensorielle. au toucher la main tatonne, percoit à l’aide de ces recepteurs sensoriels, « ressent » les tissus au travers de la peau. (voir article) et agit en conséquence (voir article).

« Les sensations sont le résultat de l'action des organes et par conséquent essentiellement active. » François Magendie (1783-1855).

Cette action, résultante de la perception et du mouvement (le sens haptique) associe aussi la mémoire gestuelle et perceptive. L’élaboration mentale opérée en même temps que le toucher diagnostique ou thérapeutique constitue le fondement de l’action thérapeutique (du coté du thérapeute). L’action thérapeutique et la « guérison » fait appel aussi, bien évidemment, aux croyances du patient. La relation tranférentielle et contre transférentielle, de même que les croyances de part et d’autre, le phénomène placebo, sont inéluctables à tout échange thérapeutique et participent à la construction de la guérison. 

L’élaboration mentale conceptuelle, la verbalisation de nos actions, au patient ou à un tiers, font appel à nos inférences. Quelles sont-elles ? Comment se construisent-elles ? Quel est le phénomène mental engagé dans celles-ci ?

Inférences

L’inférence est une opération par laquelle on passe d’une assertion considérée comme vrai à une autre au moyen d’un système de règles qui rend la deuxième vraie (possiblement). La liaison entre les deux assertions peut donner une conclusion jugée nécessaire (déduction, induction) ou vraisemblable (abduction, transduction). L’ensemble des prémisses amènent à une conclusion justifiée, rendue légitime (mais pas forcement vraie) par ces prémisses. 

L’inférence est une opération mentale à la base de tout raisonnement. La validité de la conclusion n’est pas systematique, l’inférence n’est qu’une opération mentale, elle n’est pas un argument qui est un ensemble linguistique composé de premisses, de règles d’inférences et de conclusions ; ni une preuve, le résultat d’une inférence ; ni un raisonnement qui est une opération mentale plus complexe composée d’inférences. L’induction, l’abduction, la déduction et la transduction sont des cas particuliers d’inférences.

L’abduction

L’abduction (ou la rétroduction) : comme la métis saisissant le kairos (le bon moment), l’abduction découvre l’hypothèse pertinente en écartant les hypothèses multiples possibles.

« Une certaine capacité de l’esprit humain à deviner l’hypothèse qu’il faut soumettre à l’expérience, laissant de coté sans les examiner la vaste majorité des hypothèses possibles. » Pierce cité par (Bourgine 1992). Inférence audacieuse car elle emet une hypothèse à partir d’un nouveau cadre de référence permettant d’expliquer un cas particulier.

« L’abduction représente le dessin, la tentative hasardée, d’un systeme de règles de signification à la lumière desquelles un signe acquerra son propre signifié. » (Umberto Eco 1988)

L’abduction invente une nouvelle règle ou formalise une règle implicite.

L'abduction c'est une certaine capacité de l’esprit humain à deviner l’hypothèse qu’il faut soumettre à l’expérience, laissant de coté sans les examiner la vaste majorité des hypothèses possibles.

Pierce cité par (Bourgine 1992)

L’induction

L’induction est un type de raisonnement consistant à remonter, par une suite d'opérations cognitives, de données particulières (faits, expériences, énoncés) à des propositions plus générales, de cas particuliers à la loi qui les régit, des effets à la cause, des conséquences au principe, de l'expérience à la théorie. CNRTL. l’induction retrouve une règle déjà instituée.

Ces deux notions font appel à une logique du dialogue antagoniste, dite dialogique selon Edgar Morin.

"Le principe dialogique consiste à faire jouer ensemble de façon complémentaire des notions qui, prises absolument, seraient antagonistes et se rejetteraient les unes les autres."

"Le mot "dialogique" veut dire qu'il sera impossible d'arriver à une unification première ou ultime, à un principe unique, un maître mot; il y aura toujours quelque chose d'irréductible à un principe simple, que ce soit le hasard, l'incertitude, la contradiction ou l'organisation." (Morin 1991 Cerisy p.291-292). 

Ce sont des mécanismes de la raison (Noël Denoyel. 2012) liée à l’expérience, à la pratique, à l’alternance théorie-pratique de l’apprentissage de toute une vie du métier d’ostéopathe. Comme le dit Gaston Pineau, l’expérientiel c’est produire du sens sur son vécu.

Ces inférences permettent de s’adapter au cas clinique, de formuler des hypothèses en accord ou pas avec des règles physiologiques connues. L’avantage de ce mode d’inférences c’est qu’elles font appel à la créativité thérapeutique et au respect de l’individualité de chacun sans pour autant sacrifier la sécurité de la prise en charge. L’abduction et l’induction, c’est sortir des normes établies, accepter que « ce patient » est semble-t-il un artéfact statistique en dehors de la moyenne.

Le principe dialogique consiste à faire jouer ensemble de façon complémentaire des notions qui, prises absolument, seraient antagonistes et se rejetteraient les unes les autres....Le mot "dialogique" veut dire qu'il sera impossible d'arriver à une unification première ou ultime, à un principe unique, un maître mot; il y aura toujours quelque chose d'irréductible à un principe simple, que ce soit le hasard, l'incertitude, la contradiction ou l'organisation.

E. Morin 1991 Colloque de Cerisy p.291-292).

L’inférence Bayésienne

Thomas Bayes (1702-1761) est un mathématicien britannique et pasteur de l'Église presbytérienne. Dans la théorie bayésienne, les probabilités p ne sont plus interprétées comme les fréquences relatives d’événements (point de vue « fréquentiste »), mais comme des mesures du degré de connaissance subjective. Cette acception est bien couverte par le terme de « plausibilité ». Sa théorie entre dans la catégorie des inférences inductives. La formule de Bayes permet à partir d’un ensemble de résultat, une mesure sur le réel dont on ne connaît pas bien la provenance, dont on a pas toutes les données d’où elles proviennent. La formule permet à partir des données, de trouver la cause de ces données. Il faut s’adapter à l’environnement et à ses inconnues, il faut tenter à l’aide de cette formule de connaître les causes de ce monde. En matière de perception, ce que l’on perçoit est à 90 % identique à ce que l’on a perçu la veille. A chaque perception nouvelle, on anticipe en fonction de ce qu’on a déjà perçu (ce phénomène est lié à la mémoire et à la culture). Cela représente un gain de temps et d’énergie. C’est un peu comme la compression d’un fichier photo ou audio, on ne reproduit que les changements entre deux fichiers.

« Le cerveau bayésien est conçu comme une machine probabiliste qui fait constamment des prédictions sur le monde et les actualise en fonction de ce qu’il perçoit. » (Baquiast JP. 2008.)

« La théorie Bayésienne fournit un modèle mathématique de la manière optimale de mener un raisonnement plausible en présence d'incertitudes. Dès la naissance, le bébé semble doté de compétences pour ce type de raisonnement probabiliste. »

Lors d’une perception, les entrées peuvent être ambigües et il est plus simple d’interpréter ce quil y a de plus probable. Ces inférences Bayésiennes influent sur nos décisions par une accumulation d’évidences combinée à une estimation de la valeur attendue des conséquences de nos choix. (Stanislas Dehaene. 2011-2012.)

Le cerveau bayésien est conçu comme une machine probabiliste qui fait constamment des prédictions sur le monde et les actualise en fonction de ce qu’il perçoit.

(Baquiast JP. 2008.)

La théorie Bayésienne fournit un modèle mathématique de la manière optimale de mener un raisonnement plausible en présence d'incertitudes. Dès la naissance, le bébé semble doté de compétences pour ce type de raisonnement probabiliste.

(Stanislas Dehaene. 2011-2012.)

Faire des inférences bayesiennes, inductives ou abductives est quelque chose de physiologique. L’ostéopathe, face à un ressenti palpatoire, produit les inférences qui lui semblent les plus plausibles, adéquates, probables du point de vue théorique, en rapport à ses propres perceptions. C’est sur ce principe qu’est né la notion de MRP (mouvement respiratoire primaire) comme une analogie de « vague » et de « ventilation » liée à la perception d’un mouvement rythmique lui ressemblant étrangement. Ensuite viennent les inférences et les conclusions, parfois hatives, sur une tentative d’explication du phénomène perçu. La circulation du liquide céphalo-rachidien est l’hypothèse explicative pertinente « qu’il faut soumettre à l’expérience, laissant de coté sans les examiner la vaste majorité des hypothèses possibles » selon Pierce. On est en pleine inférence abductive. Et peu importe si cette explication est la bonne ou la mauvaise puisque la communauté et la corporation l’adopte et la fait sienne. L’écueil vient du fait que l’interprétation ou la conclusion est peut-être fausse malgrés des prémisses perceptifs vrais. Mais qui aura l’outrecuidance de le dire ? (Herniou 1998). 

La déduction

L’antomyme de l’induction est la déduction. La déduction c’est un type de raisonnement qui conduit de une ou plusieurs propositions dites prémisses, à une conclusion « nécessaire », c'est-à-dire inévitable si l'on accepte la règle du jeu. CNTRL. Elle fait appel à la raison formelle, une logique dite tautologique[1]. La déduction part d’une règle déjà instituée. La raison formelle applique une pratique partir d’un règle établie. Ce peut être parfois un mode de fonctionnement rigide, non disgressif, non-critique et peu évolutif ; cela fonctionne dans les sciences dite « dûres » mais peu applicable au vivant. Ce sont les effets pervers d’une conception uniquement mathématique de la modélisation. Cela met en avant la suprématie[2] de la théorie au détriment de l’observation, la dévalorise, et prive toute modélisation discurcive non mathématique comme « non scientifique ».

L’inférence déductive peut être dangereuse en ostéopathie en se sens qu’elle fait glisser la théorie sur la pratique. Des concepts éronés, trop anciens, non validés euvent etre le moteur d’une pratique ou d’une technique. Par exemple, des lois de Fryette, enseignées encore dans de nombreux centres de formation, découle toute une pratique manipulative s’y référant. Ces « lois », chères au monde ostéopathique comme principe d’une identité thérapeutique, ne font pas référence dans le monde de la biomécanique non ostéopathique. Dans le même ordre d’idée, la « mobilité » des os crâniens ne fait pas consensus au sein de la communauté scientifique (voir article).

[1] Proposition complexe qui reste vraie en vertu de sa forme seule, quelle que soit la valeur de vérité des propositions qui la composent. CNRTL

[2] François Kourilsky : médecin et biologiste, directeur de recherche émérite à l’INSERM, directeur honoraire de la recherche de l’institut Gustave Roussy, ancien directeur général du CNRS et ancien vice-président du conseil supérieur de la recherche et de la technologie. Actuellement vice président de l’association pour la pensée complexe.

Doit-on continuer à enseigner et diffuser pour autant des conceptions obsolètes ou conservatistes sous prétexte de conserver une identité particulière de la profession ?

Il nous faut engager une véritable refonte théorique des concepts ostéopathiques, modéliser différemment, changer les « mots » (voir article). 

Ne pas avoir peur de regarder vers l’avant plutôt que de se focaliser sur le passé. L’histoire de l’ostéopathie et ses concepteurs représentent une richesse coneptuelle énorme mais comme le souligne Karl Popper, toute science se doit d’être réfutable au risque d’être dogmatique et de paraître sectaire.

« Car ce qui fait l’homme de science, ce n’est pas la possession de connaissances, d’irréfutables vérités, mais la quête obstinée et audacieusement critique de la vérité » (Popper. 1973 (1959).

La tranduction

La dernière catégorie d’inférence est la transduction. Elle procède du singulier au singulier, insensible aux contradictions, de proche en proche, c’est une pensée analogique sans contact avec une règle générale. C’est un mode de raisonnement de l'enfant qui précède l'induction et la déduction et par lequel il tire une conclusion par analogie, par identité, par différence. C’est celle de la raison sensible, de l’analogie (voir article). Elle n’a aucun contact avec une règle instituée et fait appel à la subjectivité et à la sensibilité de chacun, je dirais : à chacun sa prorioceptivité dans la pratique, sa « patte » d’ostéo. L’ostéopathie est expérientielle et sensorielle avant tout, elle reste, comme tout soin, un art thérapeutique, en se sens que la médecine traite l’organe (et elle le fait très bien) tandis que le thérapeute soigne l’humain dans toutes ses dimensions, de façon systémique en prenant en compte toute la subjectivité du patient, du thérapeute et de la relation qui les lie. Nos inférences tranductives sont notre subjectivité dans le soin et sont notre richesse… objective. 

Car ce qui fait l’homme de science, ce n’est pas la possession de connaissances, d’irréfutables vérités, mais la quête obstinée et audacieusement critique de la vérité.

(Popper. 1973 (1959)

Tableau tiré de: Noel Denoyel. Alternance dialogique et épistemologique de la continuité expérientielle. Education permanente. 193. 2012. p 105

Tableau tiré de: Noel Denoyel. Alternance dialogique et épistemologique de la continuité expérientielle. Education permanente. 193. 2012. p 105

Références :

Lecourt D. 2010. La philosophie des sciences. Paris PUF

Le Moigne, J. L. (1993). "La modélisation des systèmes complexes". Paris: Dunod (2e ed).

Colloque interdisciplinaires jeunes chercheurs. Université Paul-Valéry 2004

Lerbet-Sereni, F. "Expérience de la modélisation et modélisation de l'expérience". L'Harmattan.

Bourgine Paul. 1992. Heuristique et abduction. Intellignece artificielle et vie artificielle. XXIIe session de l’école internationale d’informatique de l’AFCET.

Eco Umberto. 1988. Sémiotique et philosophie du langage. Paris PUF

E. Morin 1991. Colloque de Cerisy p.291-292

Noel Denoyel. Alternance dialogique et épistemologique de la continuité expérientielle. Education permanente. 193. 2012. p 105

Baquiast JP. 2008. Le cerveau Bayésien. Automates intelligents

Stanislas DEHAENE. 2011-2012. Le cerveau statisticien : la révolution bayésienne en sciences cognitives.

Herniou, J. (1998). "Le mécanisme respiratoire primaire n'existe pas". Revue Aesculape , 10.

Popper, K. (1973 (1959)). "La logique de la découverte scientifique". Paris: Payot.

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F
D’abord, merci pour vos commentaires. Si la question est de savoir si l’ostéopathie peut être évaluée par la science, avant de répondre, il faut se demander quelle science et sur quel modèle justement…<br /> Il est vrai que l’ostéopathie n’est pas une science « dure », mais comme toute approche de l’humain et encore plus du vivant au sens large ! Elle s’appuie sur la physiologie et l’anatomie mais je préciserait qu’il ne faut pas voir ces notions comme des « langues mortes » (d’ailleurs l’anatomie est en latin…) mais comme des sciences vivantes, et c’est encore plus vrai de la physiologie. En cela je préfère la nouvelle approche de l’anatomie statistique plus que descriptive sur des bases anciennes (même si certains anciens auteurs comme Testu avaient une vision statistique de l’anatomie). J’ai récemment lu un mémoire de M1 sur les opercules de Forestier décrit au 19e siècle et revus et corrigés de façon générale par le docteur Guimberteau. Quelle perte de temps entre les deux descriptions de la même chose !!<br /> Quant à savoir si la philosophie peut être évaluée par la science, la plupart des scientifiques deviennent plus ou moins philosophe en fin de carrière. C’est le propre de l’évolution de la maitrise d’un sujet ou d’un domaine (voir Edgar Morin, Axel Khan et bien d’autres…) mais peut-être qu’en ostéopathie on met la charrue avant les bœuf et on philosophe avant de tenter de faire de la science. (Je ne suis pas sûr mais je crois que le terme philosophy en anglais n’a pas la même signification et se rapprocherait plus de la notion de concept). D’ailleurs si l’ostéopathie est une philosophie, peu d’ostéopathes se revendiquent de philosophes anciens ou modernes mais uniquement des fondateurs, ce qui peu paraitre restrictif et finalement peu philosophiquement ouvert….<br /> Sur la notion de paradigme de l’ostéopathie, je suis entièrement d’accord, et c’est la raison pour laquelle j’ai commencé par évoquer les inférences qui permettent secondairement d’établir des paradigmes. J’ai le projet d’écrire un article sur les systèmes complexes, ce qui permet de distinguer le complexe du compliqué, l’explication vs la compréhension, l’argumentation vs la démonstration. Quand aux penseurs, ils sont déjà là, il suffit parfois d’aller les découvrir, d’avoir une ouverture pluridisciplinaire.<br /> @laurent : je suis entièrement d’accord avec toi sur les modèles fumeux !! Reste à savoir si les croyances sont ou non forcement limitantes car elles font appel à l’imagination contrairement aux dogmes. Quand au placebo, il n’est pas forcement négatif et participe à la guérison quelle que soit la « médecine » pratiquée. C’est plutôt rassurant….tant qu’on ne fait pas du nocébo….<br /> Quand au modèle bio-psycho-social, c’est évidemment la réalité de l’approche systémique, là aussi quelle que soit la thérapeutique, certaines pratiques médicales sont passée de la généralisation à la spécialisation puis à la spécification en perdant l’essentiel des interactions disciplinaires.
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L
Merci Laurent pour ton article. Je me permettrais d’ajouter ceci : <br /> L’expérience consciente (du ressenti palpatoire de l’ostéopathe) est une inférence bayesienne combinant nos perceptions et nos attentes/croyances (conscientes et inconscientes), (adaptation de Von Helmotz 1867 sur le système visuel).<br /> Nous produisons donc un ressenti qui n’est de toute façon qu’une illusion de la réalité du patient dépendant de nos croyances. Il serait peut être temps que les ostéopathes arrêtent de se borner à essayer de montrer des modèles palpatoires fumeux qui :<br /> . ne sont là que pour rassurer celui qui l’utilise (le praticien et non le patient)<br /> . et qui la plupart du temps s’avèrent être une croyance limitante et un frein à la guérison du patient.<br /> <br /> Pour répondre à Jean-Louis, L’ostéopathie est une thérapie manuelle qui utilise un modèle de prise en chargebio-psycho-social du patient et non biomédical (à l’instar des kinés,médecins ou même chiros). En l’occurrence la science et surtout les neurosciences donnent aujourd’hui raison à l’utilisation de tel modèle notamment pour la prise en charge de la douleur et non au modèle biomédical.<br /> Le problèmes des ostéos en science, c’est qu’il essayent de rentrer dans un modèle biomédical alors qu’il existe des méthodologies d’évaluation de l’ostéopathie répondant aux critères de la Médecine (qui n’est pas une science dure non plus, car les seules sciences dure sont les mathématiques) par le biais de méthodologies statistiques adaptées aux interventions dites complexes (c’est à dire non pharmacologique). <br /> <br /> Il serait bon que les ostéos consacrent leur energie à s’ouvrir et se former au modèle bio-psycho-social et aux neurosciences afin qu’il comprennent leur légitimité dans la prise en charge de la douleur et de la santé, au lieu de rester enfermé dans leur dogmes et leur églises, pour finir par se lamenter sur leur sort et finir au rang de « pseudo science ».
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J
Merci pour cet article bien documenté.<br /> Il reste toujours une question de fond : l'ostéopathie doit-elle (peut-elle) être évaluée par la science ? <br /> Les raisonnements que la science propose sont tout à fait pertinents... pour la science ! et je ne suis pas sûr que l'ostéopathie soit une science "dure" ! Elle est une science parce qu'elle s'appuie sur la physiologie et l'anatomie, mais elle est aussi une philosophie - il ne faut pas l'oublier - et un art.<br /> Philosophie et art peuvent-ils être évalués par la science ? Ou est-ce que le modèle d'évaluation proposé par la science est-il adapté à l'ostéopathie.<br /> Je crois que toute la question est là mais malheureusement il n'y a pour le moment que des essais d'explication à visée scientifique qui cherchent non pas à faire avancer la réflexion, mais à prouver que l’ostéopathie n’est pas une science « dure » - ça on le sait et on le savait - mais cherche à ramener l’ostéopathie vers le champ d’une simple croyance, d’un effet placebo - au sens de charlatanisme d’ailleurs - voire d’une dérive thérapeutique ce qui amène à envisager les ostéopathes comme de vrais sectaires….<br /> Peut-être - mais là la science risque d’avoir du mal à se situer à ce niveau - faut-il alors envisager de regarder l’ostéopathie comme un paradigme…<br /> On rentre là dans un domaine de pensée un peu flou difficile à cerner faute de penseurs, de chercheurs dans ce domaine - pas forcément de chercheurs scientifiques - et d’épistémologie de la connaissance ostéopathique. <br /> Trop d’a priori se font jour dès que l’on parle d’ostéopathie, hélas !<br /> Vaste débat dont il ne sera pas mis fin facilement et rapidement….
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