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21 Feb

Les bases physiques du sens du toucher

Publié par francois delcourt  - Catégories :  #Le toucher, #Biomécanique

Les bases physiques du sens du toucher

Le doigt comme recepteur sensoriel

Le doigt est une structure rigide, le bout du doigt est un prolongement du squelette. Il existe un réseau conjonctif dense entre la surface du doigt et l’os. Le doigt en contact avec une surface lisse forme une surface circulaire et plane. Le doigt est un organe sensoriel et moteur avec des détails à plusieurs échelles.

Dans tous les livres de physiologie il est précisé que les dermatoglyphes (empreintes digitales) augmentent la friction (un peu comme les sculptures d’un pneu); or la physique des contacts (bio-tribologie) montre que la friction diminue avec les empreintes.

La fréquence et le nombre de mécanorécepteurs (responsables de la mécanotransduction) sont importants au bout du doigt.

La distance entre deux empreintes est de 300 microns. Le bout du doigt (et des orteils) a probablement plus de 2000 récepteurs sensoriels.

Il existe trois populations de récepteurs :

  • une sensible aux stimulations rapides
  • une sensibles aux stimulations durables
  • une sensibles aux vibrations

Les récepteurs étant non à la surface mais en profondeur (700 microns) dans un épiderme de 5mm d’épaisseur. Ils reçoivent des infos qui sont le résultat de conditions limites (indirectes). Les données sont donc transformées.

La peau exsude de l’eau sans arrêt, les doigts sont humidifiés en permanence et c’est fondamental dans la perception et la manipulation des objets. C’est grâce à ce phénomène de sudation de l’on « marque » nos empreinte sur les objets ; de plus, les canaux sudoripares ont une disposition et une configuration au sein de la surface du doigt qui est spécifique à chacun. Ainsi, inutile de disposer d’une empreinte complète pour identifier quelqu’un.

 

La bio-tribologie

Le doigt en contact avec une surface lisse (comme un verre) forme une surface circulaire et plane. La sensation est celle du glissement mais l’interaction avec le verre est complexe. Cette interaction avec le verre oscille entre une partie glissante avec une partie collante. Cette oscillation est caractéristique de la surface touchée et des matériaux.

Les mains se promènent à des vitesses importantes et perçoivent des choses relativement simples quant aux informations relevées (poids, dureté, frottement, texture, etc)

Il existe une boucle sensorimotrice qui se fait en 50 ms qui permet de garder l’objet et de contrôler le glissement fin.

Toucher et prendre un objet représente une stratégie efficace et robuste qui permet de contrôler le maintient de l’objet tout en connaissant sa matière, son poids, sa texture, etc. Quand il existe un lâcher de l’objet, le phénomène est souvent dû à l’atmosphère trop humide ou trop sèche.

Si on diminue la sudation des mains, la tendance est au grasping (serrage) plus important (il est multiplié par 5). La boucle sensori-motrice est extrêmement dépendante de ce taux d’humidité. Le contact évolue en fonction de la charge et de manière critique en fonction de l’humidité de la peau. Les propriétés mécaniques de la peau et les propriétés tribologiques dépendent de l’humidité de la peau.

Lorsque l’on fait glisser le doigt sur une petite bosse, la peau se déforme (par rapport à elle-même en glissant) et copie la forme si le contact est continu. C’est un mouvement relatif du matériau par rapport à lui-même. C’est un champ de déformation (un gradient de déformation) dans une direction choisie.

 

le toucher ambigu

Le toucher est ambigu car une infinité de conditions limites vont donner la même perception. Cela veut dire que plusieurs situations différentes perçues vont donner une sensation identique. Néanmoins, le toucher est un phénomène rapide. La détermination des différences de matériaux avec le toucher est bien plus robuste que par la vision. Ce qui fait croire que le toucher est fiable (cf article)

Quand un doigt glisse sur une surface, il crée des oscillations très riches qui dépendent de nombreux facteurs mécaniques. 

 

Les illusions tactiles

On peut ainsi créer des illusions tactiles comme on pourrait le faire avec la vision.

En utilisant des interfaces haptiques capables de générer des vibrations à des fréquences particulières, on peut faire vibrer la peau de la même manière qu’elle le fait lors d’un contact glissé sur une surface plane. La représentation graphique appelée tactilogramme (comme un sonogramme pour le son) recrée une sensation quasi identique à la perception des textures.

Le tactilogramme varie peu en fonction de la vitesse du toucher (frottement) sauf au ralenti et à des vitesses importantes. Ce qui fait que la majorité des touchers (frottement) de surface se fait au alentour de 5 cm/s. C’est un invariant biologique.

Le retour mécanique perçu est proportionnel à la force ou au taux de changement de la force. En fonction de ce taux de changement de la force ce qui est perçu, on perçoit une sensation d’élasticité ou de rigidité.

On peut utiliser une baguette avec un vibreur et un accéléromètre dans la poignée. En physique, une bille sur un plan incliné a une accélération constante qui dépend uniquement de l’inclinaison. Le vibreur crée une vibration proportionnelle à la pente et reproduit le comportement d’une bille. Les personnes perçoivent la bille qui roule et sont capable de la situer dans l’espace de la baguette sans effort cognitif (uniquement perceptuel).

En touchant une surface glissante et rigide, les forces d’interaction sont perpendiculaires. On perçoit la normale de la force.

Par une astuce électromécanique, on combine la composante d’effort fourni par le sujet et un effort crée par un moteur électrique. On parvient à créer un stimulus paradoxal, c’est à dire par exemple, créer une sensation de bosse en trou. La personne se comporte sur une bosse comme si elle était dans un trou. Le système haptique s’adapte au niveau postural et articulaire. Ces illusions tactiles recrées nous laissent rêveurs quant aux certitudes de nos perceptions ostéopathiques…

Ce que l’on perçoit mécaniquement est en fait ce que l’on fait et non pas ce que les récepteurs indiquent.

Sous anesthésie du doigt, on peut recréer des stimuli paradoxaux. L’illusion persiste, il existe donc peu de retour sensoriels mais les stratégies d’exploration restent les mêmes.

La mécanique nous indique qu’une propriété particulière du monde peut être accédée de plusieurs manières différentes.

Chaque propriété d’un objet comme son poids, sa texture, sa forme est si complexe que la solution peut être trouvée de différentes manières.

 

Dans la perception digitale, la sonde (le doigt) et l’objet inconnu entrent en contact. Le but est de déterminer la manière dont un objet se déforme en fonction de l’autre.

Le problème est perceptuel du point de vue de la sonde, il s’agit de déterminer les propriétés de l’autre objet d’après son propre comportement (les stratégies d’explorations). C’est ce qu’on appelle une fonction haptique.

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